La tradition musicale crétoise est extrêmement riche. Bien que considérée comme la plus vivante de Grèce car elle a su se moderniser, ses racines proviennent de l’antiquité et de la musique byzantine. Au fil des siècles, elle s’est enrichit d’autres cultures et influences.
Les chansons les plus connues aujourd’hui sont les « mantinades ». Selon le site crete.fr, «ce type de chanson est apparu en Crète à la fin du 14ème et au début du 15ème siècle et semble avoir été influencé par la poésie européenne et vénitienne de l’époque […] Certaines sont des poèmes complets courts, chantés à la manière d’une poésie récitée. D’autres mantinades sont chantées par plusieurs chanteurs, se faisant concurrence les uns les autres et se répondant de manière complémentaire.»
L’improvisation est une des caractéristiques principales de ces chants et danses. Les musiciens enrichissent leurs interprétations grâce aux improvisations de leurs concurrents et danseurs qui , eux aussi, improvisent.
-Yann Bellini-
Interview
YB : Pantelis Vervatidis et Vaggelis Tzemis, rencontrés tous deux à Genève, sont des musiciens crétois qui interprètent les musiques traditionnelles de leur île. Ils nous précisent quel est précisément leur répertoire.
PV : Un répertoire qui concerne exclusivement l’île de crête. Je suis grec. Je joue des musiques crétoises mais je maîtrise le répertoire de toute la Grèce dont la crête fait partie.
Vous parlez donc de musiques traditionnelles et non pas « populaires » ? Le sujet peut être épineux…
Exactement, il est question de musiques traditionnelles qui sont très différentes des musiques populaires grecques. La musique populaire est représentée par l’instrument bien connu qu’est le bousouki, un petit luth avec une caisse de résonance ovale à trois ou quatre double-cordes…
Des musiques traditionnelles qui regroupent quand même de nombreux instruments : violon, accordéon, etc. Mais comment sonnent-elles ces musiques crétoises ?
Il faut savoir que chaque région grecque a ses propres musiques et danses. Les environs d’Athènes, la thrace, la macédoine, et donc l’île de crête. Il y a toujours des différences. Selon les villages aussi, les danses et costumes peuvent différer. C’est un répertoire gigantesque.
En Crête, c’est la même chose : nous pouvons distinguer la crête de l’Est avec la crête de l’Ouest et centrale. Chez ces dernières, la lyra est très présente dans leurs répertoires musicaux, et le violon tel que vous l’évoquez n’est en réalité présent qu’en Crête de l’Est…
Pour répondre à votre question (rires), les musiques crétoises sont très dynamiques et vivantes. Elles se dansent principalement en cercle avec le premier danseur, au centre, qui exécute des figures.
Puisque nous parlons d’instruments, vous êtes accompagné par le musicien Vaggelis Tzemis au laouto, un luth à corde pincées…
Un laouto crétois précisons-le (rires) car il diffère encore de celui de Grèce centrale. Quand aux percussions que nous avons amené, il s’agit d’un dayre, très présent aussi dans les musiques arabes : un simple cercle en bois avec une peau tendue.
Nous pouvons vous en faire une petite démonstration.
Volontiers
YB : il y a une première difficulté dans la pratique de ce répertoire qui réside déjà dans la composition, avec des rythmes non-binaires…
PV : Oui effectivement ! Il s’agit de rythmes « asymétriques » que nous avons peu l’habitude d’écouter ici. Nous ne sommes par sur des rythmes en deux ou quatre temps, comme c’est le cas pour la grande majorité des musiques occidentales, mais plutôt sur du 7/8 ou du 9/8. Il en va bien sûr de même pour les danses.
Quels sont les thèmes classiques abordés par le chant dans ce répertoire ?
L’amour, la vie quotidienne et ses soucis, mais je dirai principalement l’amour. Des thèmes universels en tous cas.
C’est ce qui fait aussi la force de cette musique : sa capacité à traverser les siècles et s’adresser avec justesse à ses contemporains.