Flamenco en terres genevoises

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Le flamenco, c’est bien plus que de la danse.

Les musiciens ne se limitent pas à quelques accords qui « sonnent » flamenco. Il s’agit là d’un répertoire à part entière avec ses propres instruments et techniques de jeu. Largement démocratisé, ses racines hispaniques sont encore bien ancrées, si bien que le flamenco peine à s’exporter hors des régions hispanophones.

C’est pourtant à Genève que nous avons eu la chance de rencontrer deux adeptes de la guitare flamenca : Daniel Renzi et Manuel Castan.

 

Daniel Renzi et Manuel Castan (adem-geneve.com)
Yann Bellini
-Yann Bellini-

Interview

YB : Comment en êtes-vous arrivés au flamenco ? Avez-vous toujours baigné dans ce répertoire musical ou s’agit-il d’une rencontre ?

Daniel Renzi : Ça a été une rencontre pour moi. J’ai rencontré le flamenco en même temps que ma compagne qui le dansait déjà. J’ai d’abord été très distant avec le flamenco vu que je pratiquais de nombreuses autres choses : chant chorale, violon, etc. En revanche je pratique la guitare depuis l’âge de mes 16 ans.

C’est à travers un spectacle de danse contemporaine avec ma femme que j’ai fais mes premiers pas dans ce répertoire. Le metteur en scène voulait un « clin d’œil » au flamenco. Un genre qui m’effrayait avant… Sur le moment, je me suis dis « mais c’est simple en fait, ce n’est qu’en deux accords » et c’est là que j’ai mis le doigt dans l’engrenage (sourire).

Manuel Castan : Pour ma part, je suis arrivé au flamenco assez tôt. Ma mère est espagnole et je me rappelle qu’à mes 10 ans environ, elle écoutait souvent une cassette de Paco de Lucia. J’ai commencé la guitare à mes 14 ans et je savais déjà que je voulais me rapprocher du style de cette légende du flamenco. Ce répertoire me faisait peur au début, j’ai attendu mes 17 ans pour apprendre cette musique en particulier.

En résumé, c’est donc ma mère qui m’a fait découvrir la guitare flamenca.

Est-ce l’aspect pré-dominant de la guitare flamenca qui vous a attiré dans cette musique ? Le fait que l’instrument porte, à lui seul, la danse ?

MC : La guitare a plusieurs rôles dans le flamenco. Celui, effectivement, d’appuyer le chant et la danse. C’est un rôle très noble, qui me plaît, mais il y a aussi cette possibilité d’être soliste. On peut donc s’exprimer seul(e).

Ce qui me plaît dans la guitare flamenca, c’est aussi la présence de la tradition. C’est une musique très typée, avec ses propres couleurs, qui vient du peuple andalou. Elle s’est beaucoup ouverte et sait maintenant être très moderne. On peut y retrouver de nombreuses influences et ingrédients différents, ce qui en fait une musique très riche.

"Le flamenco peut me prendre littéralement aux tripes. Il peut susciter tout le registre de mes émotions."
manuelcastan
Manuel Castan
Guitariste Flamenco

DR : On est porteur de la danse, du chant c’est vrai. N’oublions pas la rythmique, bien que Paco de Lucia ait introduit le cajon dans le flamenco des années 70. On a donc effectivement la responsabilité, en tant que guitariste, d’être l’élément fédérateur de tout ce petit monde.

MC : Il y a aussi une relation émotionnelle forte avec cette musique. J’ai beaucoup de peine à le définir mais le tout a une expressivité incroyable ! Le flamenco peut me prendre littéralement aux tripes, il peut facilement susciter tout le registre de mes émotions. Par exemple (il sort sa guitare NDR)

 

Techniques et interprétation

Comment cette tension se traduit-elle concrètement dans le jeu ?

Daniel Renzi : Ce qui fait le son flamenco, c’est des éléments « claquants et piquants ». Il ne s’agit pas de sonorités rondes. Il faut donc « mettre de l’ongle », frapper la caisse sans forcer non plus… un peu comme un fouet… difficile de décrire toutes les techniques possibles en une seule interview… Le flamenco est à ma connaissance le répertoire le plus complexe techniquement pour la main droite d’un guitariste.

En ce qui concerne la la partie mélodique : le picado, par exemple, s’approche de la technique de l’attaque en butée de la guitare classique.

Manuel Castan : Je peux vous faire une démonstration en musique de quelques techniques : picado, golpe, etc.

YB : Avec plaisir

YB : Vous qui enseignez la guitare flamenca au sein des Adem à Genève, quels conseils donneriez-vous à un lecteur qui souhaite s’initier à ce répertoire ? Comment devenir un bon guitariste flamenco ?

MC : La principale difficulté que je rencontre avec mes élèves, c’est lorsqu’ils ne sont pas débutants. Ils ont parfois 10 ans de guitare, bien souvent avec des mauvaises habitudes (sourire). Il arrive qu’ils aient plus ou moins bien copié des vidéos qu’ils ont pu voir sur internet.

Ces mauvaises habitudes sont dures à « gommer », cela prend beaucoup trop de temps. Je ne peux que conseiller de prendre des cours. Internet c’est super mais pour la guitare flamenca, le contact avec un professeur est essentiel.

Le reste est une histoire de patience et d’imprégnation. Il faut écouter beaucoup de flamenco, aller à des concerts, et littéralement se plonger dans cette culture… jusqu’au bout des pieds.